Le G20 aura fait couler beaucoup d'encre dans la presse internationale, la ministre française de l'Economie de l'Industrie et de l'Emploi, madame Christine Lagarde était auditionnée par la commission des affaires européennes de l'Assemblée Nationale quelques jours après le G20 de Londres. Forte d'une carrière dans un des plus grands cabinets d'avocats d'affaires aux Etats-Unis, le ministre est coutumier des joutes oratoires. Celle que de nombreux observateurs considèrent comme le bras armé des négociations du président français Nicolas Sarkozy, ne manque jamais l'occasion d'une explication franche et pour le moins didactique. Lors du G20 certains observateurs ont remarqué les qualités de négociatrice de la ministre française. La crise actuelle sur les méthodes de l'OCDE font rire la ministre qui très pragmatique fait une lecture sans concessions de la réalité. Désireuse que le volet sanctions du G20 soit en rien diminué par le jeu de la diplomatie, elle n'hésite pas avec son homologue allemand de remettre l'église au milieu du village financier planétaire. On peut s'attendre à ce que les propositions du couple franco-allemand sur les sanctions trouvent un échos au delà des frontières de la zone Euro, en effet nombreux sont les chefs d'états étrangers à considérer l'expertise du ministre français comme porteur d'espoir. Comme le soulignait le président français, Nicolas Sarkozy, sans sanctions, le G20 ne serait qu'une coquille vide... Voici un document trés intéressant sur l'audition de madame Lagarde devant la commission des affaires européennes de l'Assemblée Nationale, il permet de constater les raisons et motivations de l'état français lors du G20:
République Française Assemblée Nationale
COMMISSION CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mardi 7 avril 2009
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à seize heures quinze
I. Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, après le sommet du G20 du 2 avril 2009 à Londres
Le Président Pierre Lequiller. Les pays du G20 ont pris à Londres des décisions importantes à l’initiative de l’axe franco-allemand. L’Union européenne avait défini une position commune à l’issue du Conseil européen des 19 et 20 mars. Est-elle parvenue à entraîner ses partenaires, notamment américain, chinois et russe ? À la suite de ce sommet, les multiples plans de relance nationaux vont-ils être mieux coordonnés ? Quelles propositions européennes, en matière de régulation et de supervision financière notamment, ont-elles été reprises par le G20 ? À quelles obligations les hedge funds vont-ils être soumis ? S’agissant de la lutte contre les paradis fiscaux, faut-il attendre des avancées concrètes de la part des pays qui figurent sur la liste grise et qui se sont engagés dans une démarche de coopération et de transparence ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le premier défi du G20 consistait à éviter de répéter en 2009 l’échec sanglant de la conférence de Londres de 1933 qui, loin d’endiguer la montée du protectionnisme et de conjurer les conséquences sinistres de la crise de 1929, avait été le prélude à des législations nationales protectrices, en particulier aux Etats-Unis. Et ce défi a été relevé par les vingt chefs d’Etat – qui étaient exactement vingt-deux puisque l’Espagne et les Pays-Bas participaient à ce sommet –, représentant 85 % du PIB de la planète, et par les représentants des grandes organisations internationales comme le FMI, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, le Forum de stabilité financière, qui se sont mis d’accord sur une plate-forme de consensus, à partir d’exigences et d’ambitions différentes.
On peut tirer deux leçons immédiates de ce sommet. Tout d’abord, il constitue un signal d’unité et de détermination partagée, ce qui en soi est positif. D’ailleurs, toutes les places boursières ont enregistré dans son sillage une hausse de quatre ou cinq points, au moins provisoirement.
Ensuite, cette réunion marque le retour de la volonté politique en intervenant sur les acteurs des marchés financiers et sur les territoires qui étaient livrés à eux-mêmes. Elle est parvenue à obtenir un consensus de la part de pays aussi différents que l’Arabie saoudite, la Chine, l’Argentine, les membres de l’Union européenne et les Etats-Unis, qui ont reconnu que l’absence de régulation et les défaillances du système avaient largement provoqué la crise financière et économique.
Je reviens sur la genèse des propositions européennes, qui correspondaient à nos ambitions, lesquelles n’étaient pas partagées par tous les joueurs autour de la table.
La position a pu être arrêtée grâce à une articulation efficace entre la France et l’Allemagne qui s’est construite au fil des semaines. Lors du sommet de Washington, le Président de la République française et la Chancelière allemande ont manifesté leur détermination à présenter un front uni. Le conseil économique et financier franco-allemand du 3 mars a fixé les crans d’arrêt, les points de blocage, ce qui a permis de bâtir la plate-forme commune pour renforcer la régulation. Ensuite, les choses se sont accélérées, de sorte que les positions que nous avions prises sur la réglementation des hedge funds, et dans une moindre mesure sur l’enregistrement des agences de notation, sur la nécessité d’harmoniser les règles de rémunération des opérateurs de marché, sur la révision des normes comptables, essentielle en raison de l’impact économique de ces normes, notamment sur le bilan des banques, et, enfin, sur la question des territoires non coopératifs, ont fait par la suite l’objet d’un ralliement. Sur ce dernier point, il y a quelques semaines encore, nous étions seuls, les Allemands et nous, et nos déclarations recueillaient un silence gêné. Elles n’avaient jamais abouti à des prises de position fermes. Ces propositions ont été soumises au Président de la République et à la Chancelière à l’occasion du Conseil franco-allemand du 12 mars, qui les ont approuvées. Nous avons ensuite entrepris en parallèle, des deux côtés du Rhin, des travaux d’explication auprès de nos partenaires. J’ai réuni nos amis africains de la zone franc afin d’expliciter nos positions et d’engager dans la réflexion des pays émergents. J’ai également fait deux déplacements aux Etats-Unis où j’ai eu la surprise de constater que le principal conseiller économique du Président américain n’était même pas informé de la position du Trésor américain à propos des centres non coopératifs, ce qui a permis de faire bouger les lignes. Le Conseil « Ecofin », puis le Conseil européen, ont permis de nous accorder avec nos partenaires, avec le consentement tacite de la Grande-Bretagne. Celle-ci n’était pas partie prenante car, d’une part, elle s’est trouvée face à certaines de ses contradictions ; d’autre part, présidant le G20, elle s’en tenait à une stricte neutralité pour être en mesure de concilier les positions des uns et des autres. Personne en effet ne pouvait se permettre un échec. Présider est utile, mais empêche de soutenir des positions trop fermes.
L’accord du G20, je le qualifie de « mouton à quatre pattes », car il repose sur quatre piliers fondamentaux.
Premièrement, il consacre une relance coordonnée. D’aucuns diront que ce n’est pas assez, mais l’essentiel, ce sont les 5 000 milliards de dollars déjà mis sur la table, certains pays en faisant plus ou moins selon l’état de leurs finances publiques. De plus, l’engagement est pris de faire plus s’il le fallait, tout en gardant à l’esprit la nécessité de rétablir les finances publiques à long terme.
À ceux qui ironisent sur la position très ferme du Président de la République, je signale que, le mercredi à quatorze heures, soit six heures avant le début du sommet, l’impératif de régulation ne figurait pas dans les objectifs principaux du sommet. Aussi peu conforme qu’elle ait été aux canons de la diplomatie, l’attitude du Président a été déterminante dans le résultat obtenu. Voilà pour l’anecdote.
Deuxièmement, la régulation sort renforcée. À preuve, les énormes avancées concernant les centres non coopératifs. Une fois de plus, les sceptiques se gausseront d’une liste de quatre noms, mais son élaboration était en cours depuis vingt ans. Les quatre Etats en cause – Uruguay, Malaisie, Philippines, Costa Rica – sont déjà sortis de la liste noire car ils ont accepté les transferts d’information en matière de procédures fiscales fondées sur le soupçon. Il faut donc saluer le travail accompli qui s’est révélé très délicat. En effet, le suspense a duré jusqu’à la dernière seconde et le Président de la République ainsi que le Président américain ont largement contribué à la conclusion, si bien que le communiqué final fait spécifiquement référence à la liste de l’OCDE dressée par Angel Gurria. Selon la formule retenue, qui est très forte, « le temps du secret bancaire est révolu », ce qui n’a pas manqué d’irriter un certain nombre d’Etats, y compris dans l’Union européenne, qui en avaient fait leur fonds de commerce.
Par ailleurs, les hedge funds, qui drainent 1 200 milliards de dollars et sont pour la plupart domiciliés dans les territoires non coopératifs, feront l’objet d’un enregistrement, d’une supervision et d’un contrôle. Les agences de notation aussi seront identifiées, enregistrées et devront respecter les règles en cas de conflit d’intérêt. S’agissant de la rémunération des opérateurs de marché, c’est le Forum de stabilité financière qui vient d’établir des règles, à charge pour les superviseurs nationaux de s’assurer de leur mise en œuvre.
Troisièmement, les organisations financières internationales seront plus fortes. Il s’agit de la réforme du FMI qui est validée et avancée à 2011. Il est prévu aussi de tripler ses ressources. Les instruments à sa disposition pourront être utilisés de façon plus souple et ils seront adaptés aux pays en difficulté. Dans la foulée, le Mexique a d’ailleurs recouru à une facilité de 47 milliards de dollars. Le Forum de stabilité financière va devenir le Conseil de stabilité financière et il préfigure une organisation mondiale au rôle renforcé qui réunira les superviseurs des membres du G20.
Les normes prudentielles, et surtout comptables, devront être révisées car le principe du mark to market s’applique difficilement en l’absence de marché et pose un grave problème de valorisation des banques. Le Conseil « Ecofin » qui s’est tenu le surlendemain à Prague a fait une déclaration, dont se sont dissociés les Britanniques, pour réclamer que l’IASB reçoive instruction de modifier les règles de valorisation des actifs pour lesquels il n’existe pas de valeur de marché.
Quatrièmement, le G20 s’engage à renforcer la lutte contre le protectionnisme puisque 250 milliards de dollars seront destinés au financement du commerce international. L’OMC est chargée d’organiser le suivi des mesures commerciales et autres, qui pourraient relever d’un protectionnisme rampant. Le sommet a été l’occasion de réaffirmer la volonté politique de finaliser le cycle de Doha en demandant que les pays qui se retrouveront en Italie au G8, devenu G14, le fassent avancer avant des réunions plus vastes.
Par ailleurs, nous avons eu le souci constant de mobiliser des financements pour les pays qui en ont le plus besoin, en particulier les pays les moins avancés affectés à la fois par la chute des cours des matières premières, le reflux des investissements étrangers et la diminution des transferts provenant de leur diaspora.
Mme Elisabeth Guigou. Incontestablement, le G20 a envoyé des signaux positifs et ils ont été reçus comme tels. Il contribuera à endiguer le pessimisme ambiant. Entre autres bonnes choses, il a été l’occasion de consolider l’amitié franco-allemande et d’augmenter considérablement les ressources et le rôle du FMI. Mais la relance au sein de l’Union européenne reste un sujet qui n’a pas été complètement traité. Les prévisions du FMI la concernant anticipent un recul de 3 % en moyenne dans la zone euro, soit 3 % pour la France et 5 % pour l’Allemagne, ce qui suscite des inquiétudes quant aux conséquences sociales.
Pouvez-vous nous dire par ailleurs comment les intérêts des pays les plus pauvres seront pris en compte ? Ils n’étaient pas représentés du tout puisqu’un seul pays africain était présent, la République sud-africaine, qui, à bien des égards, n’est pas représentative du reste du continent.
S’agissant des mesures structurelles, on reste également sur sa faim. Pourquoi ne pas avoir discuté la proposition chinoise de créer une monnaie internationale ? Qu’a-t-il été décidé pour rétablir un équilibre entre économie réelle et économie financière ? Et quid de la régulation du système monétaire international ?
Quant aux paradis fiscaux, on en revient à la situation d’il y a dix ans, quand Dominique Strauss-Kahn était au ministère des finances, et moi-même à la Chancellerie. J’étais concernée dans la mesure où certains paradis fiscaux sont des territoires délinquants qui abritent le crime international. Nous avions obtenu que l’OCDE dresse une première liste, qui comptait une quarantaine de pays, mais il ne s’est rien passé depuis, sinon cette liste de quatre pays, qui est passablement ridicule.
Que faire pour aller plus loin ? Il y avait eu en 2001 une loi sur la régulation économique et financière qui prévoyait que le Gouvernement pouvait par décret interdire purement et simplement les transactions financières avec les paradis fiscaux qui ne se conformaient pas aux règles de transparence. Qu’avez-vous l’intention de faire pour que l’Union européenne ne tolère plus que les personnes morales puissent déroger à la coopération fiscale, et pour lutter concrètement contre les paradis fiscaux, qui favorisent la fraude fiscale, et certains même le blanchiment de l’argent du crime organisé ?
M. Robert Lecou. Ne boudons pas notre plaisir d’avoir vu se former un consensus à Londres ! Mais, concrètement, quels seront les effets de cette réunion sur la reprise économique ? Incidemment, pourriez-vous nous dire quelques mots du projet de loi sur l’endettement et le crédit à la consommation ?
M. Jacques Myard. Je suis convaincu qu’il vaut mieux un G20 comme celui de Londres que pas de G20 du tout. Mais, s’il y a eu des signaux forts, des interrogations subsistent.
Ainsi, un grand journal du soir titre que les fonds spéculatifs logés dans les paradis fiscaux vont voler au secours du système financier américain, Washington comptant sur ces fonds pour racheter les actifs toxiques des banques. Je ne comprends plus ! Le couplage entre les paradis fiscaux et les fonds spéculatifs s’est révélé détonant en permettant le recyclage de l’argent des îles Caïman, à Jersey et même à Londres. Ainsi, la société PartyGaming, domiciliée à Gibraltar, et qui est un site illégal de jeux au regard de la loi anglaise, place ses liquidités à la City. Il reste encore un long chemin à faire !
La réforme du FMI, en lui donnant des moyens additionnels, va dans le bon sens, mais comment les banques multilatérales qui vont recevoir 100 milliards de dollars s’inscrivent-elles dans le paysage ? Que font-elles de plus que la Banque mondiale ?
M. Michel Delebarre. Je partage les remarques positives qui ont été faites, mais je m’interroge aussi, moi qui crois encore à l’Europe.
Avez-vous, madame la ministre, tiré des leçons sur la manière dont l’Union peut préparer de telles rencontres ? Cette fois-ci, nous avons assisté à une préparation « à la Myard » : la France s’est mise d’accord avec l’Allemagne, ce qui a permis d’arrêter une position. Comment convaincre mon collègue sceptique qu’il est possible de procéder autrement, de façon que l’Union pèse davantage, comme une véritable entité régionale ?
Vous avez dit également avoir réuni les pays de la zone franc. La démarche est intéressante, mais peut-on envisager une participation de leur part au G20, ou bien l’Union européenne ne pourrait-elle pas mieux relayer les préoccupations de ces pays ?
M. Marc Laffineur. On ne peut que se féliciter de la réussite du G20 : il s’agit d’une étape importante pour rétablir la confiance. Toutefois, comment l’Union européenne va-t-elle pouvoir, dans les mois qui viennent, rester forte sur le plan international avec le problème que pose la présidence tchèque ?
Quels seront les moyens de rétorsion pour s’assurer que les paradis fiscaux joueront le jeu ?
La crise a révélé les difficultés des banques à porter des produits toxiques, d’autant que certains, qui ne l’étaient pas, sont en train de le devenir en raison de remboursements incertains. Est-on allé assez loin pour faire en sorte que les banques ne soient pas trop fragilisées ?
Mme Chantal Brunel. La question des paradis fiscaux me paraît secondaire au regard de l’enjeu de la sortie de la crise mondiale, qui passe par un réamorçage du système financier. Comment percevez-vous les marges d’endettement de la France ? Y a-t-il un risque de décote de notre signature ?
M. Marc Laffineur. En effet, il y a quinze jours, la Grande-Bretagne a eu du mal à couvrir un emprunt d’Etat. D’autres pays d’Europe ne risquent-ils pas d’éprouver ce genre de difficulté ?
M. Jacques Myard. Le Portugal, l’Espagne et l’Italie !
Le Président Pierre Lequiller. De noire, la liste est devenue grise, c'est-à-dire que les pays qui y figurent vont devoir passer des conventions. Dans quels délais ?
La ministre. La relance européenne, madame Guigou, correspond aux 2 points de PIB que M. Strauss-Kahn a recommandés. Quand on examine les objectifs de la Commission, le compte y est à peu près. Certes, l’Irlande, la Hongrie, la Grèce ne peuvent pas se le permettre, mais, tous ensemble, on y est. Et je vous rappelle que les dirigeants du G20 ont dit que, si c’était nécessaire, ils feraient plus.
S’agissant de la monnaie internationale proposée par la Chine, il faut se souvenir que, parmi les ressources additionnelles du FMI, figurent 250 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux. Je ne dis pas que c’est le premier pas vers une monnaie supranationale, mais il s’agit d’un nouvel instrument qui se fonde sur un panier.
M. Jacques Myard. Les DTS, ce n’est pas nouveau, et ce sont les Etats-Unis qui ont fait avorter le projet !
La ministre. Cette fois-ci, ils s’y sont ralliés. Cela étant, nous avons tous intérêt à ce que le dollar se maintienne à un bon niveau, surtout la Chine.
À propos des écarts entre économie réelle et sphère financière, j’ai omis de mentionner que, nous avons, à force de ténacité, obtenu que le communiqué mentionne que les produits titrisés nouvellement émis devront être partiellement conservés dans le bilan des émetteurs, à hauteur de 5 % au moins dans l’Union européenne. La sagesse serait d’aller au-delà, mais c’est un instrument assez subtil d’encadrement du risque et il limite l’effet de levier qui a contribué à dissocier l’économie financière de l’économie réelle.
Sur les paradis fiscaux, il y aurait certes beaucoup à dire. La liste noire est devenue une liste croupion parce que certains pays se sont débrouillés pour sortir de la liste en signant rapidement douze conventions, soit le minimum nécessaire. Le Luxembourg, le Liechtenstein, l’Autriche, la Suisse et Singapour ont fait des déclarations de mise en conformité avec l’article 26 de la convention modèle de l’OCDE, relatif aux échanges de renseignements. C’est un signe que les choses ont bougé. La liste est un outil de pression efficace et il y a eu à ce sujet des discussions très franches à Prague lors du Conseil « Ecofin ». Les ministres des finances du G20 sont chargés de proposer en septembre à New York un arsenal de sanctions qui, une fois agréées, pourront être transcrites dans nos droits respectifs. Il est indispensable, à mes yeux, de mettre en place des contraintes supplémentaires à l’échelle internationale envers les établissements financiers qui continueraient à entretenir de relations avec les pays qui demeureraient sur la liste grise. Il faudra aussi que le Conseil de stabilité financière vérifie que les douze accords signés sont bien mis en application. Bref, le chantier est ouvert et un mouvement réel de mise aux normes s’est fait sentir, mais il faudra rester extrêmement vigilant. Nous avons eu à cœur de montrer que nous ne « lâcherions » pas !
Quant aux effets sur la crise économique, le G20 a envoyé un signal fort de confiance. C’est important. Que se serait-il passé s’il avait été un échec ? Qu’il y ait eu un accord est en soi une bonne chose. Le sommet est allé jusqu’à consacrer le principe selon lequel on ferait plus si nécessaire et à donner au FMI la possibilité de financer le développement et les soutiens aux Etats en difficulté à des niveaux que son directeur n’aurait pas osé imaginer il y a deux mois. D’ailleurs, les spreads des pays d’Europe de l’Est se sont resserrés aussitôt, presque du jour au lendemain, car les acteurs ont compris que ces pays seraient soutenus au-delà de leur voisinage immédiat, qu’il y aurait dorénavant plus de régulation, plus de supervision et que des sanctions seraient prévues. Or les investisseurs ont besoin d’un environnement sécurisé et stable. Il y a des chances que les fonds souverains qui viennent de se réunir au Moyen-Orient reprennent confiance.
Le projet de loi sur le crédit à la consommation – un « cavalier » dans notre discussion ! – devrait être présenté en conseil des ministres du 22 avril. J’espère que les présidents des assemblées trouveront le temps de l’inscrire à l’ordre du jour avant l’été car il s’agit d’un texte ambitieux et nécessaire. Le fichier positif des emprunteurs n’est pas la solution la plus efficace, mais des mesures concernant l’amortissement du crédit renouvelable ainsi que la réglementation de la publicité seront proposées car les principes de vérité, de justice et de transparence doivent s’appliquer aussi au crédit à la consommation.
Les banques régionales de développement sont des banques multilatérales à vocation géographique. Il en existe trois : pour l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine. La Banque asiatique de développement a vu ses ressources multipliées par trois – de l’ordre de 100 milliards de dollars supplémentaires – mais l’engagement a été pris de doter les deux autres aussi.
L’article que vous avez cité, Monsieur Myard, doit décortiquer le plan Geithner qui facilite la cession des actifs toxiques ou illiquides logés dans le bilan des banques à des structures publiques et privées, dans les proportions respectives de 80 % et de 20 %. On verra ce que cela donne. La raison pour laquelle les acteurs privés ont été impliqués tient à la nécessité de déterminer une valeur indépendamment du pouvoir politique et de renforcer la crédibilité du système. Si le plan marche, tout le monde y trouvera son compte, surtout les investisseurs privés ; sinon, le contribuable américain devra payer encore plus.
M. Jacques Myard. Comment se fait-il que soient sollicités des fonds spéculatifs dont on sait que certains ont de l’argent « gris » ?
La ministre. Ce n’est pas parce que ces fonds ont leur siège aux îles Caïman, ou ailleurs, qu’ils drainent forcément de l’argent sale !
L’Union européenne, Monsieur Delebarre, a éprouvé un mécanisme efficace à partir d’un axe franco-allemand solide autour duquel se sont agrégés ensuite, par conviction, l’ensemble des pays membres, y compris la Grande-Bretagne. La position européenne a été harmonisée, même si elle ne s’est pas exprimée d’une seule voix, celle de la présidence en exercice. La Grande-Bretagne était neutre mais, maintenant qu’elle a repris sa liberté de manœuvre, elle revient sur ses lignes antérieures.
Les Français ont été les seuls à réunir les pays de la zone franc pour les tenir au courant et j’ai veillé à les informer régulièrement de nos positions. Notre pays a toujours exprimé la préoccupation de mieux associer à la préparation et à l’organisation du G20 les Etats africains, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne. Nous n’avons pas été très nombreux autour de la table à nous en inquiéter.
Assainir la situation des banques est un impératif et le communiqué comporte à ce sujet une déclaration d’intention qui invite à faire la lumière sur leurs bilans. La déclaration envoyée à l’IASB pour lui demander de remplacer très rapidement le mark to market va dans la bonne direction, même si elle n’est pas suffisante. Chaque pays devra faire des efforts de clarification, en classant les actifs toxiques et en proposant des issues possibles, car on ne peut pas continuer à avancer dans l’obscurité.
Le gouverneur de la Banque de France m’assure que les banques françaises ne sont pas en position de risque et qu’elles résistent aux stress tests.
Notre faculté d’endettement est intacte, bien que nous empruntions à 50 points de base de plus que l’Allemagne. Nous n’avons eu aucun problème pour couvrir nos émissions et notre notation est très bonne. Les difficultés rencontrées par les Britanniques étaient surtout d’ordre technique.
Les délais de mise en conformité avec les normes de l’OCDE courent jusqu’au mois de septembre : le G20 de New York décidera des sanctions applicables et il dressera deux listes, une « blanche » et une « grise ».
Any source
COMMISSION CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mardi 7 avril 2009
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à seize heures quinze
I. Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, après le sommet du G20 du 2 avril 2009 à Londres
Le Président Pierre Lequiller. Les pays du G20 ont pris à Londres des décisions importantes à l’initiative de l’axe franco-allemand. L’Union européenne avait défini une position commune à l’issue du Conseil européen des 19 et 20 mars. Est-elle parvenue à entraîner ses partenaires, notamment américain, chinois et russe ? À la suite de ce sommet, les multiples plans de relance nationaux vont-ils être mieux coordonnés ? Quelles propositions européennes, en matière de régulation et de supervision financière notamment, ont-elles été reprises par le G20 ? À quelles obligations les hedge funds vont-ils être soumis ? S’agissant de la lutte contre les paradis fiscaux, faut-il attendre des avancées concrètes de la part des pays qui figurent sur la liste grise et qui se sont engagés dans une démarche de coopération et de transparence ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le premier défi du G20 consistait à éviter de répéter en 2009 l’échec sanglant de la conférence de Londres de 1933 qui, loin d’endiguer la montée du protectionnisme et de conjurer les conséquences sinistres de la crise de 1929, avait été le prélude à des législations nationales protectrices, en particulier aux Etats-Unis. Et ce défi a été relevé par les vingt chefs d’Etat – qui étaient exactement vingt-deux puisque l’Espagne et les Pays-Bas participaient à ce sommet –, représentant 85 % du PIB de la planète, et par les représentants des grandes organisations internationales comme le FMI, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, le Forum de stabilité financière, qui se sont mis d’accord sur une plate-forme de consensus, à partir d’exigences et d’ambitions différentes.
On peut tirer deux leçons immédiates de ce sommet. Tout d’abord, il constitue un signal d’unité et de détermination partagée, ce qui en soi est positif. D’ailleurs, toutes les places boursières ont enregistré dans son sillage une hausse de quatre ou cinq points, au moins provisoirement.
Ensuite, cette réunion marque le retour de la volonté politique en intervenant sur les acteurs des marchés financiers et sur les territoires qui étaient livrés à eux-mêmes. Elle est parvenue à obtenir un consensus de la part de pays aussi différents que l’Arabie saoudite, la Chine, l’Argentine, les membres de l’Union européenne et les Etats-Unis, qui ont reconnu que l’absence de régulation et les défaillances du système avaient largement provoqué la crise financière et économique.
Je reviens sur la genèse des propositions européennes, qui correspondaient à nos ambitions, lesquelles n’étaient pas partagées par tous les joueurs autour de la table.
La position a pu être arrêtée grâce à une articulation efficace entre la France et l’Allemagne qui s’est construite au fil des semaines. Lors du sommet de Washington, le Président de la République française et la Chancelière allemande ont manifesté leur détermination à présenter un front uni. Le conseil économique et financier franco-allemand du 3 mars a fixé les crans d’arrêt, les points de blocage, ce qui a permis de bâtir la plate-forme commune pour renforcer la régulation. Ensuite, les choses se sont accélérées, de sorte que les positions que nous avions prises sur la réglementation des hedge funds, et dans une moindre mesure sur l’enregistrement des agences de notation, sur la nécessité d’harmoniser les règles de rémunération des opérateurs de marché, sur la révision des normes comptables, essentielle en raison de l’impact économique de ces normes, notamment sur le bilan des banques, et, enfin, sur la question des territoires non coopératifs, ont fait par la suite l’objet d’un ralliement. Sur ce dernier point, il y a quelques semaines encore, nous étions seuls, les Allemands et nous, et nos déclarations recueillaient un silence gêné. Elles n’avaient jamais abouti à des prises de position fermes. Ces propositions ont été soumises au Président de la République et à la Chancelière à l’occasion du Conseil franco-allemand du 12 mars, qui les ont approuvées. Nous avons ensuite entrepris en parallèle, des deux côtés du Rhin, des travaux d’explication auprès de nos partenaires. J’ai réuni nos amis africains de la zone franc afin d’expliciter nos positions et d’engager dans la réflexion des pays émergents. J’ai également fait deux déplacements aux Etats-Unis où j’ai eu la surprise de constater que le principal conseiller économique du Président américain n’était même pas informé de la position du Trésor américain à propos des centres non coopératifs, ce qui a permis de faire bouger les lignes. Le Conseil « Ecofin », puis le Conseil européen, ont permis de nous accorder avec nos partenaires, avec le consentement tacite de la Grande-Bretagne. Celle-ci n’était pas partie prenante car, d’une part, elle s’est trouvée face à certaines de ses contradictions ; d’autre part, présidant le G20, elle s’en tenait à une stricte neutralité pour être en mesure de concilier les positions des uns et des autres. Personne en effet ne pouvait se permettre un échec. Présider est utile, mais empêche de soutenir des positions trop fermes.
L’accord du G20, je le qualifie de « mouton à quatre pattes », car il repose sur quatre piliers fondamentaux.
Premièrement, il consacre une relance coordonnée. D’aucuns diront que ce n’est pas assez, mais l’essentiel, ce sont les 5 000 milliards de dollars déjà mis sur la table, certains pays en faisant plus ou moins selon l’état de leurs finances publiques. De plus, l’engagement est pris de faire plus s’il le fallait, tout en gardant à l’esprit la nécessité de rétablir les finances publiques à long terme.
À ceux qui ironisent sur la position très ferme du Président de la République, je signale que, le mercredi à quatorze heures, soit six heures avant le début du sommet, l’impératif de régulation ne figurait pas dans les objectifs principaux du sommet. Aussi peu conforme qu’elle ait été aux canons de la diplomatie, l’attitude du Président a été déterminante dans le résultat obtenu. Voilà pour l’anecdote.
Deuxièmement, la régulation sort renforcée. À preuve, les énormes avancées concernant les centres non coopératifs. Une fois de plus, les sceptiques se gausseront d’une liste de quatre noms, mais son élaboration était en cours depuis vingt ans. Les quatre Etats en cause – Uruguay, Malaisie, Philippines, Costa Rica – sont déjà sortis de la liste noire car ils ont accepté les transferts d’information en matière de procédures fiscales fondées sur le soupçon. Il faut donc saluer le travail accompli qui s’est révélé très délicat. En effet, le suspense a duré jusqu’à la dernière seconde et le Président de la République ainsi que le Président américain ont largement contribué à la conclusion, si bien que le communiqué final fait spécifiquement référence à la liste de l’OCDE dressée par Angel Gurria. Selon la formule retenue, qui est très forte, « le temps du secret bancaire est révolu », ce qui n’a pas manqué d’irriter un certain nombre d’Etats, y compris dans l’Union européenne, qui en avaient fait leur fonds de commerce.
Par ailleurs, les hedge funds, qui drainent 1 200 milliards de dollars et sont pour la plupart domiciliés dans les territoires non coopératifs, feront l’objet d’un enregistrement, d’une supervision et d’un contrôle. Les agences de notation aussi seront identifiées, enregistrées et devront respecter les règles en cas de conflit d’intérêt. S’agissant de la rémunération des opérateurs de marché, c’est le Forum de stabilité financière qui vient d’établir des règles, à charge pour les superviseurs nationaux de s’assurer de leur mise en œuvre.
Troisièmement, les organisations financières internationales seront plus fortes. Il s’agit de la réforme du FMI qui est validée et avancée à 2011. Il est prévu aussi de tripler ses ressources. Les instruments à sa disposition pourront être utilisés de façon plus souple et ils seront adaptés aux pays en difficulté. Dans la foulée, le Mexique a d’ailleurs recouru à une facilité de 47 milliards de dollars. Le Forum de stabilité financière va devenir le Conseil de stabilité financière et il préfigure une organisation mondiale au rôle renforcé qui réunira les superviseurs des membres du G20.
Les normes prudentielles, et surtout comptables, devront être révisées car le principe du mark to market s’applique difficilement en l’absence de marché et pose un grave problème de valorisation des banques. Le Conseil « Ecofin » qui s’est tenu le surlendemain à Prague a fait une déclaration, dont se sont dissociés les Britanniques, pour réclamer que l’IASB reçoive instruction de modifier les règles de valorisation des actifs pour lesquels il n’existe pas de valeur de marché.
Quatrièmement, le G20 s’engage à renforcer la lutte contre le protectionnisme puisque 250 milliards de dollars seront destinés au financement du commerce international. L’OMC est chargée d’organiser le suivi des mesures commerciales et autres, qui pourraient relever d’un protectionnisme rampant. Le sommet a été l’occasion de réaffirmer la volonté politique de finaliser le cycle de Doha en demandant que les pays qui se retrouveront en Italie au G8, devenu G14, le fassent avancer avant des réunions plus vastes.
Par ailleurs, nous avons eu le souci constant de mobiliser des financements pour les pays qui en ont le plus besoin, en particulier les pays les moins avancés affectés à la fois par la chute des cours des matières premières, le reflux des investissements étrangers et la diminution des transferts provenant de leur diaspora.
Mme Elisabeth Guigou. Incontestablement, le G20 a envoyé des signaux positifs et ils ont été reçus comme tels. Il contribuera à endiguer le pessimisme ambiant. Entre autres bonnes choses, il a été l’occasion de consolider l’amitié franco-allemande et d’augmenter considérablement les ressources et le rôle du FMI. Mais la relance au sein de l’Union européenne reste un sujet qui n’a pas été complètement traité. Les prévisions du FMI la concernant anticipent un recul de 3 % en moyenne dans la zone euro, soit 3 % pour la France et 5 % pour l’Allemagne, ce qui suscite des inquiétudes quant aux conséquences sociales.
Pouvez-vous nous dire par ailleurs comment les intérêts des pays les plus pauvres seront pris en compte ? Ils n’étaient pas représentés du tout puisqu’un seul pays africain était présent, la République sud-africaine, qui, à bien des égards, n’est pas représentative du reste du continent.
S’agissant des mesures structurelles, on reste également sur sa faim. Pourquoi ne pas avoir discuté la proposition chinoise de créer une monnaie internationale ? Qu’a-t-il été décidé pour rétablir un équilibre entre économie réelle et économie financière ? Et quid de la régulation du système monétaire international ?
Quant aux paradis fiscaux, on en revient à la situation d’il y a dix ans, quand Dominique Strauss-Kahn était au ministère des finances, et moi-même à la Chancellerie. J’étais concernée dans la mesure où certains paradis fiscaux sont des territoires délinquants qui abritent le crime international. Nous avions obtenu que l’OCDE dresse une première liste, qui comptait une quarantaine de pays, mais il ne s’est rien passé depuis, sinon cette liste de quatre pays, qui est passablement ridicule.
Que faire pour aller plus loin ? Il y avait eu en 2001 une loi sur la régulation économique et financière qui prévoyait que le Gouvernement pouvait par décret interdire purement et simplement les transactions financières avec les paradis fiscaux qui ne se conformaient pas aux règles de transparence. Qu’avez-vous l’intention de faire pour que l’Union européenne ne tolère plus que les personnes morales puissent déroger à la coopération fiscale, et pour lutter concrètement contre les paradis fiscaux, qui favorisent la fraude fiscale, et certains même le blanchiment de l’argent du crime organisé ?
M. Robert Lecou. Ne boudons pas notre plaisir d’avoir vu se former un consensus à Londres ! Mais, concrètement, quels seront les effets de cette réunion sur la reprise économique ? Incidemment, pourriez-vous nous dire quelques mots du projet de loi sur l’endettement et le crédit à la consommation ?
M. Jacques Myard. Je suis convaincu qu’il vaut mieux un G20 comme celui de Londres que pas de G20 du tout. Mais, s’il y a eu des signaux forts, des interrogations subsistent.
Ainsi, un grand journal du soir titre que les fonds spéculatifs logés dans les paradis fiscaux vont voler au secours du système financier américain, Washington comptant sur ces fonds pour racheter les actifs toxiques des banques. Je ne comprends plus ! Le couplage entre les paradis fiscaux et les fonds spéculatifs s’est révélé détonant en permettant le recyclage de l’argent des îles Caïman, à Jersey et même à Londres. Ainsi, la société PartyGaming, domiciliée à Gibraltar, et qui est un site illégal de jeux au regard de la loi anglaise, place ses liquidités à la City. Il reste encore un long chemin à faire !
La réforme du FMI, en lui donnant des moyens additionnels, va dans le bon sens, mais comment les banques multilatérales qui vont recevoir 100 milliards de dollars s’inscrivent-elles dans le paysage ? Que font-elles de plus que la Banque mondiale ?
M. Michel Delebarre. Je partage les remarques positives qui ont été faites, mais je m’interroge aussi, moi qui crois encore à l’Europe.
Avez-vous, madame la ministre, tiré des leçons sur la manière dont l’Union peut préparer de telles rencontres ? Cette fois-ci, nous avons assisté à une préparation « à la Myard » : la France s’est mise d’accord avec l’Allemagne, ce qui a permis d’arrêter une position. Comment convaincre mon collègue sceptique qu’il est possible de procéder autrement, de façon que l’Union pèse davantage, comme une véritable entité régionale ?
Vous avez dit également avoir réuni les pays de la zone franc. La démarche est intéressante, mais peut-on envisager une participation de leur part au G20, ou bien l’Union européenne ne pourrait-elle pas mieux relayer les préoccupations de ces pays ?
M. Marc Laffineur. On ne peut que se féliciter de la réussite du G20 : il s’agit d’une étape importante pour rétablir la confiance. Toutefois, comment l’Union européenne va-t-elle pouvoir, dans les mois qui viennent, rester forte sur le plan international avec le problème que pose la présidence tchèque ?
Quels seront les moyens de rétorsion pour s’assurer que les paradis fiscaux joueront le jeu ?
La crise a révélé les difficultés des banques à porter des produits toxiques, d’autant que certains, qui ne l’étaient pas, sont en train de le devenir en raison de remboursements incertains. Est-on allé assez loin pour faire en sorte que les banques ne soient pas trop fragilisées ?
Mme Chantal Brunel. La question des paradis fiscaux me paraît secondaire au regard de l’enjeu de la sortie de la crise mondiale, qui passe par un réamorçage du système financier. Comment percevez-vous les marges d’endettement de la France ? Y a-t-il un risque de décote de notre signature ?
M. Marc Laffineur. En effet, il y a quinze jours, la Grande-Bretagne a eu du mal à couvrir un emprunt d’Etat. D’autres pays d’Europe ne risquent-ils pas d’éprouver ce genre de difficulté ?
M. Jacques Myard. Le Portugal, l’Espagne et l’Italie !
Le Président Pierre Lequiller. De noire, la liste est devenue grise, c'est-à-dire que les pays qui y figurent vont devoir passer des conventions. Dans quels délais ?
La ministre. La relance européenne, madame Guigou, correspond aux 2 points de PIB que M. Strauss-Kahn a recommandés. Quand on examine les objectifs de la Commission, le compte y est à peu près. Certes, l’Irlande, la Hongrie, la Grèce ne peuvent pas se le permettre, mais, tous ensemble, on y est. Et je vous rappelle que les dirigeants du G20 ont dit que, si c’était nécessaire, ils feraient plus.
S’agissant de la monnaie internationale proposée par la Chine, il faut se souvenir que, parmi les ressources additionnelles du FMI, figurent 250 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux. Je ne dis pas que c’est le premier pas vers une monnaie supranationale, mais il s’agit d’un nouvel instrument qui se fonde sur un panier.
M. Jacques Myard. Les DTS, ce n’est pas nouveau, et ce sont les Etats-Unis qui ont fait avorter le projet !
La ministre. Cette fois-ci, ils s’y sont ralliés. Cela étant, nous avons tous intérêt à ce que le dollar se maintienne à un bon niveau, surtout la Chine.
À propos des écarts entre économie réelle et sphère financière, j’ai omis de mentionner que, nous avons, à force de ténacité, obtenu que le communiqué mentionne que les produits titrisés nouvellement émis devront être partiellement conservés dans le bilan des émetteurs, à hauteur de 5 % au moins dans l’Union européenne. La sagesse serait d’aller au-delà, mais c’est un instrument assez subtil d’encadrement du risque et il limite l’effet de levier qui a contribué à dissocier l’économie financière de l’économie réelle.
Sur les paradis fiscaux, il y aurait certes beaucoup à dire. La liste noire est devenue une liste croupion parce que certains pays se sont débrouillés pour sortir de la liste en signant rapidement douze conventions, soit le minimum nécessaire. Le Luxembourg, le Liechtenstein, l’Autriche, la Suisse et Singapour ont fait des déclarations de mise en conformité avec l’article 26 de la convention modèle de l’OCDE, relatif aux échanges de renseignements. C’est un signe que les choses ont bougé. La liste est un outil de pression efficace et il y a eu à ce sujet des discussions très franches à Prague lors du Conseil « Ecofin ». Les ministres des finances du G20 sont chargés de proposer en septembre à New York un arsenal de sanctions qui, une fois agréées, pourront être transcrites dans nos droits respectifs. Il est indispensable, à mes yeux, de mettre en place des contraintes supplémentaires à l’échelle internationale envers les établissements financiers qui continueraient à entretenir de relations avec les pays qui demeureraient sur la liste grise. Il faudra aussi que le Conseil de stabilité financière vérifie que les douze accords signés sont bien mis en application. Bref, le chantier est ouvert et un mouvement réel de mise aux normes s’est fait sentir, mais il faudra rester extrêmement vigilant. Nous avons eu à cœur de montrer que nous ne « lâcherions » pas !
Quant aux effets sur la crise économique, le G20 a envoyé un signal fort de confiance. C’est important. Que se serait-il passé s’il avait été un échec ? Qu’il y ait eu un accord est en soi une bonne chose. Le sommet est allé jusqu’à consacrer le principe selon lequel on ferait plus si nécessaire et à donner au FMI la possibilité de financer le développement et les soutiens aux Etats en difficulté à des niveaux que son directeur n’aurait pas osé imaginer il y a deux mois. D’ailleurs, les spreads des pays d’Europe de l’Est se sont resserrés aussitôt, presque du jour au lendemain, car les acteurs ont compris que ces pays seraient soutenus au-delà de leur voisinage immédiat, qu’il y aurait dorénavant plus de régulation, plus de supervision et que des sanctions seraient prévues. Or les investisseurs ont besoin d’un environnement sécurisé et stable. Il y a des chances que les fonds souverains qui viennent de se réunir au Moyen-Orient reprennent confiance.
Le projet de loi sur le crédit à la consommation – un « cavalier » dans notre discussion ! – devrait être présenté en conseil des ministres du 22 avril. J’espère que les présidents des assemblées trouveront le temps de l’inscrire à l’ordre du jour avant l’été car il s’agit d’un texte ambitieux et nécessaire. Le fichier positif des emprunteurs n’est pas la solution la plus efficace, mais des mesures concernant l’amortissement du crédit renouvelable ainsi que la réglementation de la publicité seront proposées car les principes de vérité, de justice et de transparence doivent s’appliquer aussi au crédit à la consommation.
Les banques régionales de développement sont des banques multilatérales à vocation géographique. Il en existe trois : pour l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine. La Banque asiatique de développement a vu ses ressources multipliées par trois – de l’ordre de 100 milliards de dollars supplémentaires – mais l’engagement a été pris de doter les deux autres aussi.
L’article que vous avez cité, Monsieur Myard, doit décortiquer le plan Geithner qui facilite la cession des actifs toxiques ou illiquides logés dans le bilan des banques à des structures publiques et privées, dans les proportions respectives de 80 % et de 20 %. On verra ce que cela donne. La raison pour laquelle les acteurs privés ont été impliqués tient à la nécessité de déterminer une valeur indépendamment du pouvoir politique et de renforcer la crédibilité du système. Si le plan marche, tout le monde y trouvera son compte, surtout les investisseurs privés ; sinon, le contribuable américain devra payer encore plus.
M. Jacques Myard. Comment se fait-il que soient sollicités des fonds spéculatifs dont on sait que certains ont de l’argent « gris » ?
La ministre. Ce n’est pas parce que ces fonds ont leur siège aux îles Caïman, ou ailleurs, qu’ils drainent forcément de l’argent sale !
L’Union européenne, Monsieur Delebarre, a éprouvé un mécanisme efficace à partir d’un axe franco-allemand solide autour duquel se sont agrégés ensuite, par conviction, l’ensemble des pays membres, y compris la Grande-Bretagne. La position européenne a été harmonisée, même si elle ne s’est pas exprimée d’une seule voix, celle de la présidence en exercice. La Grande-Bretagne était neutre mais, maintenant qu’elle a repris sa liberté de manœuvre, elle revient sur ses lignes antérieures.
Les Français ont été les seuls à réunir les pays de la zone franc pour les tenir au courant et j’ai veillé à les informer régulièrement de nos positions. Notre pays a toujours exprimé la préoccupation de mieux associer à la préparation et à l’organisation du G20 les Etats africains, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne. Nous n’avons pas été très nombreux autour de la table à nous en inquiéter.
Assainir la situation des banques est un impératif et le communiqué comporte à ce sujet une déclaration d’intention qui invite à faire la lumière sur leurs bilans. La déclaration envoyée à l’IASB pour lui demander de remplacer très rapidement le mark to market va dans la bonne direction, même si elle n’est pas suffisante. Chaque pays devra faire des efforts de clarification, en classant les actifs toxiques et en proposant des issues possibles, car on ne peut pas continuer à avancer dans l’obscurité.
Le gouverneur de la Banque de France m’assure que les banques françaises ne sont pas en position de risque et qu’elles résistent aux stress tests.
Notre faculté d’endettement est intacte, bien que nous empruntions à 50 points de base de plus que l’Allemagne. Nous n’avons eu aucun problème pour couvrir nos émissions et notre notation est très bonne. Les difficultés rencontrées par les Britanniques étaient surtout d’ordre technique.
Les délais de mise en conformité avec les normes de l’OCDE courent jusqu’au mois de septembre : le G20 de New York décidera des sanctions applicables et il dressera deux listes, une « blanche » et une « grise ».
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