Saturday, April 18, 2009

OCDE:Jean ASSELBORN tacle la France et l'Allemagne!

Le vice-premier ministre luxembourgeois, ministre des affaires étrangères, Jean ASSELBORN, a clairement donné son point de vue dans la crise actuelle opposant son état (et la Suisse) avec l'OCDE. L'entretien donné à une radio suisse permet de comprendre l'analyse tranchée que porte le ministre sur la guerre qui se joue contre Angel GURRIA, secrétaire général de l'OCDE. Il n'hésite pas une mise à l'index à peine voilée de la France et l'Allemagne dont il ne cache même plus la responsabilité dans l'élaboration de la liste d'une OCDE qui agirait "sur ordre!". Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pourront apprécier l'allusion qui s'inscrit bien dans la logique bien actuelle de victimisation à outrance des pays listés au sortir du G20. Le plus choquant? Cette persistance à vouloir jeter le discrédit sur l'OCDE qui serait donc uniquement en pilotage automatique par certains grands états... On peut comprendre que la variable d'ajustement de la liste, c'est à dire les accords signés selon l'article 26 sur la coopération entre les états suscite quelques remarques de bon sens, ce que le ministre s'empresse de préciser avec une analyse bien personnelle qui oppose les intérêts des petits "poussés au coin" face aux grands, ce que chacun peut comprendre. Celui qui parle de scandale, "emporté par la foudre médiatique actuelle" précisent les observateurs, risque de comprendre que la communication en temps de crise impose certaines limitations à l'expression d'une certaine rancoeur... Mais de coeur, il en est dans l'association de défense des paradis fiscaux que fédère le Luxembourg avec la Suisse et l'Autriche. Un Télévie: "Sauvez mon paradis!" (équivalent du Téléthon) serait à l'étude? Non pas encore!... Que l'hommage soit rendu à tous ceux qui contribuent à ces bonnes causes d'utilité publique, mais parfois on se demande si le G20 et plus particulièrement l'histoire des paradis fiscaux, ne devient pas plutôt un jeu de boîtes si cher à l'animateur français de TF1, Arthur: A prendre ou à laisser! "Je te laisse la Chine, tu me prends la Suisse, le Luxembourg..." Un propos rassurant du ministre luxembourgeois, "l'Europe!" Ouf, il était temps...

Interview
Jean Asselborn au sujet des tentatives de justification d’Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, à propos des listes de centres financiers non-coopératifs
"Radio Suisse Romande" du 10-04-2009

Journaliste: Comment est-ce que vous, du côté de Luxembourg, réagissez aux tentatives de justification d’Angel Gurria, le patron de l’OCDE?
Jean Asselborn: Tout d’abord, il faut répéter que cette liste est une réelle aberration et cela pour deux raisons. D’abord, il y avait cette subdivision en liste noire, grise et blanche. Maintenant, l’enfer a disparu, il n’y a plus de liste noire; il ne reste plus que le purgatoire et le ciel [est interrompu]
Journaliste: Maintenant cette liste grise est devenue un peu la liste noire.
Jean Asselborn: Voilà. Il faut dire que Isle of Man, Guernesey, Jersey sont devenues toutes blanches, comme par hasard, parce qu’elles ont conclu avec le Groenland, avec les Iles Féroé et avec le Royaume-Uni et d’autres des accords de non double imposition. Et sur cette liste il n’y a que 38 pays qui sont répertoriés, mais il n’y a aucune référence à Hong-Kong, à Macao, au Brésil, à l’Inde. Donc c’est une discrimination flagrante pour la Suisse comme pour le Luxembourg.
Journaliste: Jean Asselborn, ça c’est effectivement le constat. La Suisse a bloqué des fonds destinés à l’OCDE. Mais avec votre accord et avec l’accord de l’Autriche est-ce que c’est vraiment la bonne stratégie; est-ce que ça ne fait pas un peu mauvais perdant?
Jean Asselborn: Non, on n’est pas mauvais perdant. Je pense que nous subissons quand même une discrimination. Les quatre pays, avec la Belgique, la Suisse, l’Autriche et le Luxembourg, nous avons été sur la même ligne. Nos ambassadeurs à Paris ont fait savoir lundi matin à l’OCDE que cette manière de procéder est une manière de procéder qu’on ne peut pas tolérer. Un petit rappel: si vraiment cette liste est tellement importante pour le G20, je me demande pourquoi le G20 lui-même n’a pas établi cette liste, une liste à portée universelle. Mais la réponse est facile: parce que le Brésil et la Chine ne voulaient pas de cette liste! Donc on a ordonné - oui, ordonné c’est le mot - à l’OCDE d’établir cette liste qui, certainement, pour vous comme pour nous, est quelque chose dont il faut très vite se sortir. Maintenant le Luxembourg, comme la Suisse, va conclure douze accords pour disparaître de cette liste. Mais c’est archi-faux que de proclamer que si cette liste grise devenait blanche les vrais paradis fiscaux seraient asséchés. C’est une aberration. Donc on est sur une mauvaise pente à mon avis.
Journaliste: Notamment les paradis fiscaux anglo-saxons… Il y a un débat en Suisse. On parle d’introduire la même législation pour faire comme finalement les îles anglo-normandes par exemple. Introduire la législation sur les Trusts pour être en concurrence loyale avec eux. Est-ce que vous y réfléchissez aussi au Luxembourg?
Jean Asselborn: Je suis tout à fait d’accord qu’on ait redéfini le secret bancaire. Mais le secret bancaire au Luxembourg comme, je pense, en Suisse, ce n’est pas la condition sine qua non pour faire avancer notre système bancaire et notre place financière. Donc il y a d’autres atouts. Par exemple, au Luxembourg il y a l’industrie des fonds qui a des grandes compétences et beaucoup de pays se fient à nous. Il y a aussi tous les marchés des crédits. C’était l’origine de la place financière au Luxembourg. Donc je suis content qu’on ait redéfini le secret bancaire. Mais détruire… Nous sommes membres de l’Union européenne. Juste un mot, si vous permettez. Il y a une désolidarisation dans l’Union européenne [est interrompu]
Journaliste: Elle est en danger l’Union européenne? C’est les gros pays qui imposent leur loi?
Jean Asselborn:
Oui, c’est le directoire qui avance à grands pas. Si un pays comme la France se met devant le Brésil et devant la Chine et privilégie ces pays au détriment de pays européens et de l’Europe - la Suisse fait partie de l’Europe, du continent européen - c’est très grave, c’est égoïste et c’est anti-européen.
Journaliste:
Ça ne vous fait pas penser au Luxembourg qu’on est finalement mieux en dehors de l’Union européenne?
Jean Asselborn: Non, pour le Luxembourg, il n’y a aucun choix. Notre avenir dépend de l’avenir de l’Union européenne. C’est ça la démocratie, c’est ça l’Europe. Il faut se battre tous les jours pour que vraiment ce soit une Europe au XXIe siècle où tous les membres de l’Union européenne soient assis autour de la table et aient voix au chapitre. La Suisse n’est pas encore membre, mais j’espère qu’un jour elle le deviendra parce qu’elle pourrait enrichir l’idée européenne.
Journaliste: En Suisse on dit beaucoup qu’il faut former une alliance, il faut se faire de nouveaux alliés, lutter avec ceux qui nous sont proches - notamment avec le Luxembourg, l’Autriche et d’autres pays. Est-ce que vous avez d’autres projets concrets pour intensifier cette alliance avec votre collègue Micheline Calmy-Rey?

Jean Asselborn: Evidemment avec Micheline Calmy-Rey on en a discuté. Je pense que les ministres des Finances le font aussi, notre Premier ministre est impliqué. Il ne faut pas que les pays comme le Luxembourg, la Suisse, l’Autriche se laissent pousser dans un coin. Membres de l’Union européenne ou non membres de l’Union européenne, nous sommes des pays sérieux, des pays qui savent ce qu’il faut faire en matière économique. Donc trouver des alliés… C’est-à-dire, dans notre débat avec les Français, avec les Allemands, j’espère que les deux grands pays de l’Union européenne et aussi l’Angleterre sachent comprendre qu’il y va vraiment de la raison d’être, de l’idée, de l’essence de l’Union européenne. Il ne s’agit pas maintenant à l’avenir que les pays incriminés se mettent ensemble pour combattre les autres. Ce serait une fausse piste à mon avis.
Journaliste: Je vous remercie beaucoup, Jean Asselborn, d’avoir accepté de répondre à nos questions dans Forum. Vous êtes ministre des Affaires étrangères au Luxembourg, vous êtes également Vice-Premier ministre. Quand je vous ai appelé vous étiez sur votre vélo. Vous connaissez bien, je pense, la topographie helvétique.
Jean Asselborn: Oui, je connais bien votre très beau pays. Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer.
Journaliste: Tout le plaisir était pour nous. Merci et au revoir.


Source: Radio Suisse Romande. Tous droits réservés
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