"Pour Didier REMER, fin de crise assurée et un Dominique de Villepin pas coupable!"
Luxembourg le 20 octobre 2009
Emanuel de Saint-Cyr: Bonjour Didier REMER, depuis quelques semaines, chacun aura remarqué que le vent tourne sur les différentes places financières internationales, peut-on parler d'une reprise qui s'encre enfin dans la durée?
Didier REMER: Il est clair que les rebonds spéctaculaires de certaines places laissent à penser en une véritable reprise que je préfère qualifier de remise à niveau. Depuis le dernier G20 de Pittsburgh aux Etats-Unis les différents acteurs de la finance internationale sont entrés dans un cadre réglementaire plus adapté aux réalités post-crise. Les règles qui prévalaient l'année dernière s'estompent peu à peu pour laisser place à une série de mesures qui de contraintes en actes régulateurs démontrent une prise de conscience généralisée qui, il nous faut l'admettre, ne font toujours pas place à des intégrations purement volontaires...
Emanuel de Saint-Cyr: On a constaté par exemple au niveau européen cette démonstration d'une laborieuse bataille sur la cohérence qui doit être portée par la Commission de Bruxelles. Mission pour définir enfin un cadre réglementaire qui sera finalement supranational, doit-on conclure à un exercice qui relève plus de l'utopie que d'une réelle volonté de l'Union Européenne?
Didier REMER: Les pères fondateurs de l'Europe n'étaient-ils pas doux rêveurs au sortir de la seconde guerre mondiale quand ils s'attaquèrent à la création de la CECA (ndlr:Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) pour définir un marché toujours plus cohérent et juste, une utopie peut toujours se muer en une belle aventure humaine, aujourd'hui nous sommes bien au stade de l'Union Européenne... Pour ce qui est de la Commission de Bruxelles, l'exercice est bien différent, il faut ménager des réalités qui sont différentes selon les états, la position française qui emporte la majorité des consciences repose son analyse sur le besoin impérieux de se tourner vers des logiques du long terme et non plus du court terme, le rapport de Larosière est trés certainement la plus solide et droite colonne vertèbrale de tout ce qui se décide aujourd'hui à Bruxelles...
Emanuel de Saint-Cyr: On assiste actuellement à une montée en puissance de la thématique Nord Sud dans le débat, comme si cette prise de conscience collective découvrait enfin la réalité de l'enjeu qui se profile. Peut-on envisager une prise de conscience collective?
Didier REMER: Les lois de la statistique sont imparables, nous allons assister aux plus grands fluxs migratoires observés sur la planète, les différences entre pays riches et pauvres se creusent toujours plus, les statistiques sont formelles, l'énergie mais plus important encore, pointent les besoins en eau et alimentaire qui seront les deux prochains facteurs de conflits de notre planète. Et ce pour suplanter les questions actuelles toujours plus religieuses voir trés politiques. La finance internationale s'est depuis longtemps interéssée aux différents secteurs clefs, véritables source du profit spéculatif inhérent à son rôle. La crise financière est pour certain une contre-feu organisé volontairement quant elle est pour d'autres le simple plafond d'un excès collectif...
Emanuel de Saint-Cyr: A vous entendre, on pourrait vite, un peu trop vite, conclure au retour des "illuminatis" cette confrèrerie qui selon nombreux chercheurs serait un cercle des maîtres du monde qui pourrait être à l'origine de ce que vous qualifiez de "contre feu organisé", ce n'est pas quand même vous qui allez défendre cette thèse qui se répend notoirement après chaque crise financière?
Didier REMER: Je suis plus prudent sur les questions du pouvoir et ses cercles que personnellement je n'exclu de rien quand il s'agit de porter une analyse objective sur tous ce qui se fait et parfois défait dans ce monde... Les intérêts sont tels que chaque observateur est en droit de conclure à des logiques parfois étranges. La finance est un système pour faciliter les nombreux véhicules qui permettent d'organiser les échanges entre tous les états, les états sont bien le fruit d'une expression politique et idéologique qui résulte bien d'un exercice démocratique ou pas... Est-il besoin de préciser ici les nombreux conflits d'intérêts géostratégiques qui relèvent des énergies fossiles, combien de hedges fund se sont spécialisés sur cette voie lucrative, aujourd'hui ils sont les mêmes à s'intéresser aux énergies vertes. La crise est un facteur de mise en place de stratégies nouvelles qui doivent tenir comptes des réalités sociètales et donc vitales des peuples, tous les peuples. Il est toujours intéressant de voir que les pays ou les peuples sont dans une misère toujours plus grande, sont également les plus grands pourvoyeurs de fonds occultes de par leurs dirigeants et autres consorts.
Emanuel de Saint-Cyr: Si je tente d'abonder dans votre thèse, on peut donc se féliciter de voir un homme comme Barack OBAMA se voir flanquer le prix Nobel de la paix, alors que rien ne démontre encore qu'il le mérite plus qu'un autre?
Didier REMER: Emanuel, vous ne changerez pas, c'est bien ce qui me plaît en vous... Barack Obama inaugure la nouvelle stratégie du Nobel, aujourd'hui, on veut donner un signal fort au président américain, en quelque sorte "Nous décevez pas, on compte sur vous!" Voilà la lecture qui je pense doit être faite sur cet éminent prix que vient de recevoir le président des Etats-Unis.
Emanuel de Saint-CYR: Concrètement que penser des valeurs éthiques qui s'installent peu à peu dans tous ces anciens paradis fiscaux de notre planète. Peut-on conclure à une régulation plus contraignante et donc moins porteuse de dérives?
Didier REMER: J'ai une autre grille de lecture à proposer pour cette question, il est clair que l'OCDE, le G20 sont à l'origine de cette nouvelle ère de la finance, mais je crois qu'il nous faut la relativiser. Chacun sait que je suis un ardent défenseur du secret bancaire, tout comme le sacro-saint secret médical. Mais si j'emets de sérieuses réserves sur la fin des paradis fiscaux, c'est que cette logique s'applique dans un cadre territorial défini, et comme je suis las de le repréciser l'argent est une énergie en mouvement! Croire, faire croire qu'il en sera autrement dans cette nouvelle logique est purement artificiel, je m'explique, on s'est lancé dans cette chasse aux sorcières! Le fisc est en chasse... surtout après des liquidités qui font cruellement défaut aux nombreuses mesures salutaires des pouvoirs publics qui se sont épris de plans de relance, personne s'en plaindra, encore que les déficits sont abyssaux... Mais pas au point de renoncer à continuer à faire tourner un moteur qui risquait bien de caler! Les places comme la Suisse, le Luxembourg, la city de Londres doivent agir de concert, elles entrent bien dans ce nouveau cadre règlementaire, certes parfois avec des notions prudentielles plus que contestables dans leur approche. Mais je ne crois pas que le mauvais procès qui est fait au secret bancaire relève d'une analyse objective et donc intègrale sur la problématique, il faut s'intéresser à la méthodologie de cette pratique, ses origines, ses buts, et finalement l'avantage qu'il pourrait susciter à demeurer persister. On a profité de cette crise pour taper fort sur le secret bancaire comme pour mieux montrer du doigt ceux qui en usèrent avec surabondance pour des raisons pas toujours fondées à lui trouver un certain mérite. Ne serait-il pas plus honnête de s'intéresser aux politiques fiscales des différents états qui le condamnent toujours plus aujourd'hui? Comment "une entreprise" comme la France qui totalise plus de 150 milliards de déficit peut venir donner des leçons de probité sur la gestion de compte de particuliers certes fortunés, mais tous ne sont pas nés dans les quelques seules 1200 familles les plus fortunées du territoire, beaucoup se sont élevés par leur travail, leur volonté, leur ingéniosité et talent...
Emanuel de Saint-Cyr: Oui mais alors doit-on être français pour s'élever et quitter la France quand on y est parvenu?
Didier REMER: Toutes les personnes fortunés que je connais, sont unanimes, comment des politiciens qui sont à l'origine des plus grandes affaires politico-financières de l'histoire de France peuvent s'ériger ainsi en maître du temple pour venir juger les meilleurs de ses concitoyens, bien souvent élevés au rang de la méritocratie par leur volonté et fierté de contribuer aux valeurs de la république... (interrompu par Emanuel)
Emanuel de Saint-Cyr: ...Liberté, Egalité ,Fraternité!
Didier REMER: Parfaitement, Liberté de ne pas être sous l'emprise d'un pouvoir qui se veut le seul fait du prince, Egalité des chances pour entrevoir et accomplir son avenir, Fraternité pour contribuer à la vie et au développement d'un état qui, peut encore donner quelques bonnes leçons sur la question...
Emanuel de Saint-Cyr: Pour en revenir à la finance, à Luxembourg s'est tenue le mois dernier la conférence Alfi/Nicsa pour s'intéresser au nouvel environnement dans lequel vont évoluer les fonds, on parle de grands défis à relever, la profession est-elle prete à faire bon usage de la nouvelle norme UCITS IV de la directive européenne de la Commission de Bruxelles?
Didier REMER: Oui un intéressant opus pour les professionnels, dans l'ensemble il faut que chaque état implémente au plus vite et donc au mieux les décisions qui ont été prises par la Commission de Bruxelles, la norme UCITS IV entrera en vigueur au plus tard le 1er Juillet 2011. Le Luxembourg qui organisait cette conférence devrait être encore le bon élève, il se caractérisera par son statut de précurseur habituel des transpositions en la matière. Nous sommes dans l'état de Jean-Claude Juncker premier ministre qui se caractérise par sa double casquette de chef de l'euro-groupe, la réunion des ministres des finances européens... L'objectif de cette nouvelle norme est bien l'information des investisseurs, un document clef plus complet qui remplacera le prospectus simplifié si contesté à Bruxelles... L'objectif de la Commission Européenne est bien de concilier de nombreuses améliorations en termes d'éfficiences , de coûts et de rationalisation. Est-il besoin de préciser que les fonds américains, bien qu'industrie saine outre-Atlantique, déclinent alors qu'ici en Europe tout comme en Asie, cette industrie explose par la création de nouveaux fonds. La Commission de Bruxelles souhaite porter des amélioration sur la procédure de notification, la collaboration efficiente entre les autorités de la régulation, les procèdures relatives aux litiges, ainsi que le cadre du Mifid pour la compatibilité avec les autres textes européens sans pour autant allez vers de nouvelles régles. On peut conclure à une meilleure information pour les investisseurs, une coopération renforcée entre régulateurs, et la procédure simplifiée de notification.
Emanuel de Saint-Cyr: Les professionnels jugent-ils utile la fin du secret bancaire?
Didier REMER: Dans l'ensemble, ils ne se bercent plus d'illusion, ils intègrent que cette logique ne sera plus celle d'un futur toujours plus proche. Je crois pouvoir dire que dans l'ensemble ils parlent volontier d'une hypocrisie totale sur la question. On ne coupe pas un arbre parcequ'il est, et seulement en apparence, malade, on le traite, et on continue à... récolter! Voici résumé , je pense le sentiment des professionnels sur la question... C'est triste qu'un débat ouvert sur la question n'est toujours pas lieu, on peut comprendre que la confrontation des arguments pourraient bien vite relativiser les caricatures actuelles, en ce sens Jean-Claude Juncker est bien décevant, il devrait solliciter ce débat au plus haut niveau européen, nos amis suisses sont plus efficaces sur cette question, mais sans voix à Bruxelles! Il faut empêcher un dialogue de sourds qui ne fait qu'ajouter aux thèses programmatiques désastreuses en la matière. Les arguments sont parfois si réducteurs et manquent d'un certain bon sens!
Emanuel de Saint-Cyr: Pour conclure, Finance Offshore laisse un large place au dossier Clearstream, votre avis, Dominique de Villepin est-il coupable?
Didier REMER: (agacé) Bon je vais répondre, il est clair que Dominique de Villepin est un homme politique qui s'est retrouvé propulsé au plus haut niveau de l'état sans le mérite d'un Jean Sarkozy qui s'est bien présenté au suffrage universel... Il est clair que la France s'est donnée une image et une stature internationale sans égal depuis le jour ou Dominique de Villepin annonçait une fin de non recevoir à l'administration Bush au siège des Nations -Unies à New-York, il est d'autant plus clair que l'ancien premier ministre était un redoutable adversaire de Nicolas Sarkozy et le sera d'autant plus en 2012... Mon intime conviction est que je considère que Dominique de Villepin ne peut être à l'origine de cette calomnie, au sens trés formel du terme, et que quand bien même la justice me démontre un jour le contraire, le doute subsistera à jamais! Il y à dans mon esprit une réelle différence entre organiser, commanditer, et s'accommoder d'une situation dans un climat pour le moins propice aux coups les plus bas qu'invite parfois la rivalité que commande le pouvoir!
Photographie: Tous droits réservés ATN
Tous nos remerciements: Le Royal Luxembourg
Emanuel de Saint-Cyr est Docteur es Economie et Journaliste indépendant.
No comments:
Post a Comment