Friday, October 16, 2009

DOSSIER CLEARSTREAM: Se rassurer de pouvoir couper les têtes! Par Didier REMER

"Le procès laisse toujours plus de place à un écran de fumée !"
Depuis l'ouverture de ce procès, les observateurs sont partagés sur la teneur des débats, qui plus que jamais, contribuent à une ambiance pour le moins tendue, et le pire, clairement dilatoire. Bien malin serait celui qui pourrait aujourd'hui conclure à une issue pour les deux principaux protagonistes que sont Dominique de Villepin et le président de la république, Nicolas Sarkozy grand exemple de la probité... Celle qu'il n'aura pas hésité à défendre devant 17 millions de téléspectateurs un certain soir depuis New-York. La probité invite la vérité, mais dans le dossier Clearstream, elle a bien du mal à émerger du dialogue de sourds qui se tient entre les prévenus... Les confrontations qui devaient éclairer les juges ne pourront que confirmer la principale inquiétude de confusion généralisée du départ. Car l'écran de fumée qui entoure l'affaire persiste, mieux il semble même y trouver une seconde jeunesse. Depuis le 21 Septembre, les nombreuses occasions de voir la vérité pointer s'avèrent en fait un échec cuisant pour la mission de justice qui incombe à ce procès.

On pense à la confrontation entre le général Rondot et un Imad lahoud qui incontestablement sera le grand perdant de l'exercice pour s'être embarqué dans une croisière qui le précipitera au bord d'un naufrage assuré. Le choc entre les deux hommes sera jugé comme une véritable leçon de chose pour le mathématicien qui semble avoir perdu toute sa logique, celle qui ne résistera pas aux attaques les plus élémentaires d'un tel procès. A tous vouloir camper sur leur position respective, les acteurs de cet opus se perdent toujours plus dans des confusions qui parfois irriteront au plus haut point le tribunal, qui ne manque pas de recadrer ceux qui jouent trop de cette tentation qui porte en elle le germe des débats stériles...

Mercredi, la grande confrontation...


Articles du journal "Le Figaro" (Quotidien national français) Tous droits réservés.

Le général Rondot a été prié de revenir pour l'occasion. Dès que le président lance le questionnement, peu avant 17 heures, l'évidence s'impose qu'il y aura un grand perdant : Imad Lahoud. Pourtant, les déclarations des uns et des autres ne varient pas d'un iota ; mais, mises ainsi bout à bout, elles s'entrechoquent violemment et le mathématicien se retrouve rapidement au bord du naufrage. Pour résumer : il n'a rien fait, à part obéir tantôt à Jean-Louis Gergorin, tantôt au général Rondot. Un exemple : ces fameuses simulations de pénétration informatique de Clearstream, réalisées en avril 2004 pour époustoufler le général qui, il l'admet, n'«y connaît rien en informatique».


Imad Lahoud : «Je l'ai fait à l'insistance de Jean-Louis Gergorin

M. Gergorin, de sa voix plus haut perchée que d'ordinaire : «Je suis outré !»
Le général : «Non, cela a eu lieu à mon initiative.»

Imad Lahoud : «Je maintiens.»

Le général : «J'étais impressionné par la facilité avec laquelle il procédait. Des documents sortaient de l'imprimante, il m'a dit que je pouvais les emporter. C'était trop beau pour être vrai… Rien ne l'empêchait de sortir ces documents sans être connecté.»

Il est à présent question d'un CD-Rom remis par M. Lahoud au militaire. «Il m'a dit que c'était ses archives. J'ai gardé ce CD-Rom, mais je ne l'ai pas regardé», affirme celui-ci. C'est étonnant. Mais cet officier, dont tout le mode de vie semble codifié et compliqué à l'extrême quand il va acheter du pain, il doit parler d'«opération fournil» , prétend avoir placé le disque dans une enveloppe, qu'il scelle avec du ruban adhésif «en présence de [son] assistante» et «détruit» quand il quitte ses fonctions, en décembre 2005.

Imad Lahoud : «C'était des fichiers que m'avait remis Jean-Louis Gergorin

Le président : «On a du mal à vous suivre…»

Jean-Louis Gergorin : «Tout venait d'Imad Lahoud. Ce qu'il dit est une aberration.»


Il est vrai qu'on patauge dans la farce, ce que comprennent le bâtonnier Iweins, conseil de M. Gergorin, qui fait tourner M. Lahoud en bourrique, ou Me Brossolet, à la défense de Dominique de Villepin, qui ironise sur la naïveté confondante du général Rondot, béat devant l'imprimante miraculeuse qui crache des listings…

Mais le tribunal en vient au 25 mars 2004 et à la garde à vue d'Imad Lahoud : Dominique de Villepin a-t-il téléphoné au général Rondot pour le faire libérer, après avoir été alerté par M. Gergorin ?


M. de Villepin, très ferme : «À aucun moment. J'ignorais le nom de M. Lahoud. J'ai appris ensuite qu'il avait été pris en flagrant délit d'escroquerie et de faux. Cette source, qui était celle du ministère de la Défense depuis le début 2003, n'était pas infiltrée en milieu hostile… La moindre des choses était de s'interroger : tout aurait dû s'arrêter là. Je ne suis pas intervenu, pas plus que je n'ai demandé pour M. Lahoud une quelconque immunité judiciaire, ce qu'a confirmé Dominique Perben [garde des Sceaux]. Jean-Louis Gergorin n'a jamais eu les moyens de me joindre directement ou indirectement.»


M. Gergorin : «Je conteste.»

Le président, narquois : «Il y a manifestement un malentendu entre vous…»
Dominique de Villepin maintient sa position.

M. Gergorin : «Je suis formel. Il s'agissait d'une source majeure, dans une enquête confiée sur instruction du président de la République» (allusion à la réunion du 9 janvier, dans le bureau de Dominique de Villepin).

L'ancien premier ministre : «Je n'ai confié de mission à personne. Cette mission a été confiée au général Rondot en 2003 par le ministère de la Défense.»


La machine à confronter est déjà grippée. Chaque personnage surjoue sa partition : M. Lahoud en lapereau pris dans les phares d'une voiture, M. Gergorin en obsédé repenti du complot, M. de Villepin en M. de Villepin. Il n'y a pas d'audience jeudi : la vérité, ce sera peut-être pour lundi.

Accablé par le témoignage du général Rondot, l'ancien premier ministre est parvenu in extremis à semer le doute sur son implication dans l'affaire. Mais les débats reprennent lundi.

Faut-il vraiment s'étonner que, dans une affaire de manipulation des plus tordues, le procès tourne à la mystification ?


C'est ce qui se produit en ce moment au tribunal de Paris, avec le dossier Clearstream. Au terme de neuf demi-journées d'audience, bien malin qui pourra prédire l'issue des débats pour l'ensemble des prévenus.
La confrontation générale de mercredi restera dans les annales. Non que la vérité en ait soudainement surgi. Mais parce que la puissance manœuvrière des uns et des autres est clairement apparue.
À ce jeu-là,
Dominique de Villepin sort gagnant. La manière dont l'ancien premier ministre a contourné la ligne Rondot, sur laquelle il devait logiquement capituler, est étourdissante. Le général, on le sait, tenait des petits carnets dans lesquels il relatait la moindre de ses activités. Leur saisie tardive, totalement inopinée, a donné corps à la procédure.


La lecture de ces documents accable Dominique de Villepin, notamment sur trois points sur lesquels repose largement l'accusation :


1. Dès la réunion du 9 janvier 2004, le nom de Nicolas Sarkozy a été associé à un «compte couplé», et l'enquête demandée par M. de Villepin avait été commandée par le président de la République de l'époque, Jacques Chirac.


2. Le 25 mars 2004, M. de Villepin demande au général Rondot de faire sortir Imad Lahoud, le faussaire présumé de Clearstream, de la garde à vue qu'il subit dans une affaire d'escroquerie.


3. Le 19 juillet 2004, M. de Villepin met en garde le général, qui lui explique que tout est probablement bidon, en ces termes : «Si nous apparaissons, le PR [président de la République, NDLR] et moi, nous sautons.»
L'ancien premier ministre, dans un premier temps, conteste formellement ces indications. Selon lui, les notes Rondot sont tout sauf fiables, puisque reconstruites a posteriori sur la base d'autres écrits. Il les qualifie aimablement de «salmigondis», ses avocats, plus charitables, d'«impressionnistes» . Dans un deuxième temps, le général, piqué au vif, défend sa production à la barre : ce qu'il a écrit est authentique, et la chronologie, inattaquable.



Mercredi 7 octobre. Prétoire surchauffé.
Dehors, l'orage gronde dans la nuit. C'est bien simple, on se croirait au cinéma. Dominique de Villepin, en posture délicate, contredit par l'inflexible général et plombé par Jean-Louis Gergorin, qui croit pourtant lui être agréable, se lance dans une violente charge non pas judiciaire mais politique, lourde de sous-entendus pour Nicolas Sarkozy et sa garde rapprochée. Et, tout à trac, il propose une autre lecture des notes Rondot - Saint-John Perse, l'un de ses poètes favoris, figure du Quai d'Orsay, n'écrivait-il pas que «l'inertie seule est menaçante» ? Le «salmigondis» est à présent un précieux manuscrit, son créateur a droit à une série de «mon Général» déférents. Il endure toutefois, estomaqué, l'exégèse que voudrait imposer l'ancien chef du gouvernement de ses écrits, totalement différent de celle de l'auteur lui-même. «Ce dossier a dérivé à cause d'interprétations fallacieuses, assène le prévenu. Il y a dans ces notes la preuve qu'aucun complot n'a existé . N'est-ce pas, mon général ?»
L'officier semble pétrifié, comme si une division blindée venait de traverser sa chambre à coucher. Le président du tribunal, Dominique Pauthe, lui demande alors ce qu'il pense de la diatribe de l'ex-ministre et de son analyse de texte. C'est un moment capital. Car si le témoin, à cet instant, rétorque que le prévenu délire, tout bascule. Or il lâche, solennel : «Chaque fois que Dominique de Villepin prononce un discours, je ne peux m'empêcher de l'écouter avec attention et d'être - je ne le cache pas - un peu ému.» Bingo : on n'est plus au tribunal mais à l'ONU, le vieux soldat a la larme à l'œil, rompez les rangs.
Certes, quelques minutes plus tard, M. Rondot répétera pour la centième fois, preuve qu'il croyait dur comme fer qu'il était mandaté à distance, le 9 janvier 2004, par Jacques Chirac : «J'ai sollicité d'être reçu par le président de la République, je n'ai jamais eu de réponse. Mais on ne m'a pas dit : “Mon pauvre ami, vous n'avez rien compris…” » Il ajoute, résigné : «Mon souci était de défendre le président de la République et Dominique de VillepinCelui-ci ne rate pas le coche : «Et je vous en remercie, mon Général.»


Tout le procès Clearstream, du moins la stratégie de Dominique de Villepin, tient en ce retournement de situation culotté. Il est évident qu'il ne dit pas toute la vérité, pour employer une formule prudente. Mercredi, Me Thierry Herzog, conseil de Nicolas Sarkozy, a d'ailleurs, habilement, bétonné son argumentation accusatrice, adossé aux procès-verbaux sans équivoque de Jean-Louis Gergorin et aux agendas du général Rondot. Le ministère public ne manque pas non plus une occasion de contrer cet outrecuidant prévenu, dont les acrobaties intellectuelles le laissent sceptique. Mais dans un procès correctionnel, si les impressions comptent au moment où le tribunal rédige le jugement, celui-ci repose en priorité sur une réflexion juridique.

Double niveau de lecture...


Dominique de Villepin est poursuivi pour complicité de dénonciation calomnieuse, complicité d'usage de faux, recel de vol et d'abus de confiance, le premier délit «tenant» en quelque sorte les deux autres.


Pour condamner un prévenu, trois éléments sont nécessaires :


- l'élément légal (les faits doivent être punis par la loi) ;

- l'élément matériel (les faits doivent être constitués) ;

- l'élément moral (le prévenu avait l'intention de commettre un délit).


En l'espèce, il est principalement reproché à l'ancien premier ministre «de s'être, courant 2004, rendu complice du délit de dénonciation calomnieuse commis par MM. Gergorin et Lahoud, en donnant pour instruction, courant avril 2004, à M. Gergorin d'entrer en relation avec le juge Renaud Van Ruymbeke», aux fins de lui adresser divers courriers de dénonciation, sachant que les faits imputés étaient faux.


La défense de M. de Villepin, qui veut limiter la prévention au mois d'avril 2004, consiste à affirmer que l'intéressé n'a jamais eu en main les listings trafiqués et qu'il n'a pas vu les courriers extraordinairement vindicatifs - et donc calomniateurs - qui les accompagnaient. Qu'il n'a jamais eu connaissance d'un CD-Rom qu'aurait déposé Jean-Louis Gergorin à son secrétariat, le seul CD-Rom retrouvé chez lui contenant, sous une forme cryptée, ses propres œuvres littéraires.


Dès lors, la question de sa bonne foi ne se pose pas - alors qu'elle constitue l'argument majeur de Jean-Louis Gergorin. Cependant, d'après les diverses dépositions, Dominique de Villepin n'a eu - pour ses interlocuteurs - de doutes sur la véracité de l'affaire Clearstream qu'en juillet 2004 et de certitudes qu'en octobre. En outre, si le tribunal considère qu'il a demandé à M. Gergorin de se rapprocher du juge Van Ruymbeke, cela ne signifie pas qu'il savait que les listings étaient faux.


Reste la question des mensonges potentiels du prévenu.
Ses explications sur la garde à vue d'Imad Lahoud, le 25 mars 2004, paraissent, notamment, peu convaincantes. Mais ses avocats soutiendront que leur client n'est pas poursuivi pour avoir menti sur ce point, d'autant que le général Rondot confirme que le nom d'Imad Lahoud n'a pas été prononcé au téléphone ce jour-là - il n'était question que d'une «source». Même type de raisonnement pour la mention du 19 juillet 2004 («Si nous apparaissons…») : il paraît hautement improbable que cette formule ait été prononcée, comme le prétend avec aplomb M. de Villepin, par Nicolas Sarkozy, le 15 octobre, et déplacée par le général Rondot dans ses notes. Mais prouve-t-elle que l'ex-ministre a envoyé Jean-Louis Gergorin chez le juge Van Ruymbeke en avril ?
La difficulté du procès Clearstream, outre le fait que le dossier lui-même est d'une rare complexité, avec plusieurs protagonistes dont l'attitude ne relève pas toujours de la rationalité la plus pure, réside dans le double niveau de lecture qui s'impose.
Il y a l'audience, avec ses déclarations. Celles d'Imad Lahoud, fluctuantes, comme si l'agrégé de mathématiques cherchait en permanence à sentir d'où vient le vent pour proposer une version adaptée au climat du moment - au cas où il ne l'aurait pas remarqué, le climat ne lui est pas du tout favorable. Celles de Jean-Louis Gergorin, échevelées, qui laissent à penser que l'ex-haut dirigeant d'EADS croyait dur comme fer aux comptes secrets de Clearstream. Celles de Dominique de Villepin, tantôt minimalistes, tantôt fougueuses, toujours millimétrées.
Et puis il y a le dossier, la prévention qui tient le tribunal ou, plutôt, l'écrase. Quarante tomes bourrés de procès-verbaux et d'expertises, un puits noir d'encre au fond duquel les juges devront aller chercher la vérité. Sans que personne ne les y aide.
Pour conclure...
Comme nos amis du "Figaro" le démontrent par la qualité de leur analyse, il faut s'attendre quand même à une potentielle série de rebondissements, pour quelles raisons?
-La première réside dans l'état actuel du procès, les différents protagonistes campent sur leurs positions respectives et donc portent un mauvais coup à l'objectif même des confrontations, dont, à ce jour, aucun élément semble donner la part belle à une thèse qui de fait l'emporterait sur l'autre.
-La seconde confirme la volonté de certains acteurs qui contribuent à ce formidable écran de fumée, comme pour montrer aux juges que la complexité du dossier ne trouve sa légitimité que dans l'obsession d'un seul homme, désireux de voir "les coupables" jugés sans même concevoir que ceux-ci ne sont en fait avant tout que présumés coupables... Dont certains semblent encore parfois même l'ignorer au point de se perdre dans les débats !
-La troisième, plus redoutable, la logique du mécanisme de la calomnie, celle qui trouve son origine dans une entreprise scabreuse de déstabilisation au plus haut niveau de l'état français, mais de qui, vers qui, pour quel objectif... la raison d'état?
Car plus on avance, plus ce procès nous fait reculer sur toutes les certitudes qu'un seul homme, oui un seul homme, le président de la république française, Nicolas Sarkozy semble vendre comme la dernière carcasse d'un boucher qui doit déposer son bilan... Car de bilan nous allons devoir parler, cette affaire doit démontrer le mécanisme de la calomnie, comment l'ancien premier ministre, Dominique de Villepin s'est retrouvé au coeur de cette affaire, pour quelles raisons? Si ce n'est la volonté clairement affichée d'un homme dont la probité est érigé en principe, mieux, valeur intégrale! Il ne sera pas difficile aux juges de laisser libre cour à leur bon sens pour s'élever par rapport au procès, oui s'élever, prendre de la hauteur et peut-être conclure à une décision qui sera conforme à ce dossier qui n'est autre que le rendez-vous d'une démonstration édifiante qui procède d'une certaine pathologie collective, celle du pouvoir, celui qui monte à la tête, fait perdre la tête, et pour conclure aime encore à se rassurer de pouvoir couper les têtes... ...qui dépassent de trop!
Source: "Le Figaro" © Copyright 2009 Tous droits réservés./AFP/ATN/HT.
Photographie: Tous droits réservés: campagne publicitaire "vivrensemble" (!) RTL radio © Copyright 2007


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